« Nous sommes en guerre »
La Stratégie du Choc
Lettre ouverte à Emmanuel Macron
Monsieur le Président de la République,
Dans votre allocution du 5 mars 2025, vous avez invité « toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à faire des propositions [aux côtés du gouvernement] à l’aune de ce nouveau contexte », l’élection de Donald Trump aux États-Unis et la guerre en Ukraine.
Des propositions, nous allons vous en faire. Mais avant et pour bien les comprendre, il convient de se situer et de prendre acte.
Depuis votre arrivée au pouvoir, vous êtes en guerre.
En guerre contre le peuple français.
Ministre de l’Économie puis Président de la République, vous avez enchaîné des propos et des actes qui vous ont installé comme un personnage politique méprisant et arrogant, sans empathie et ô combien éloigné de la vie « de ceux qui ne sont rien ».
Vous qui voyez les symboles, celui de la suppression de l’impôt sur la fortune vous a d’emblée situé dans le paysage politique.
Vos actes ont offensé nombre de français. Et ce positionnement qui est le vôtre et qui – dans le même temps – affiche un train de vie et des privilèges matériels indécents aux frais des français, a contribué à épuiser totalement la confiance envers les personnes ayant un mandat de représentation du peuple, comme vous.
Est-ce un hasard si, un an et demi après votre élection à l’Élysée, a débuté le plus grand mouvement insurrectionnel français du 21ème siècle ?
Le 10 décembre 2018, vous avez vous-même qualifié le Mouvement des Gilets Jaunes de « moment historique de notre pays ». Vous disiez alors comprendre la détresse des français.
Nous attendions d’un homme d’État une réponse politique et des actions concrètes d’apaisement.
Au lieu de cela, vous avez déchaîné sur le peuple désarmé une violence inouïe.
Emploi massif de gaz lacrymogènes, des techniques de “nasses”, utilisation des grenades explosives GLI-F4, de grenades de désencerclement et de lanceurs de balles LBD40.
Des armes de guerre contre le peuple.
Des milliers de manifestants blessés, des dizaines mutilés et défigurés à vie. Sans que jamais, jamais, justice ne leur soit rendue.
Comme Jean-Philippe, lycéen de 16 ans, victime d’un tir perdu de LBD le 6 décembre 2018 à Béziers.
Le policier mis en cause a été relaxé au bénéfice du doute. Comme tous les autres.
S’ajoutent à cela, des arrestations massives injustifiées, des peines de prison, des passages à tabac, une pluie d’amendes à 135 euros (10% d’un SMIC), des insultes et un mépris de classe insupportable.
Nous n’oublions pas.
Puis est venu ce qui a mis un coup d’arrêt au Mouvement des Gilets Jaunes mais qui a laissé le champ libre à votre nouvelle guerre.
Le COVID19.
A la veille du confinement, le 16 mars 2020, vous avez martelé « Nous sommes en guerre ».
Six fois en 20 minutes. Nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre…
Comme un leitmotiv sinistre et terrifiant, destiné bien sûr à mettre la population dans un état de sidération et d’acceptation.
Sous prétexte de combattre un virus, vous avez cloîtré et séparé les gens, criminaliser tout ce qui fait lien dans notre société, porté une atteinte inédite à la liberté de déplacement, aux droits fondamentaux.
Au rythme effréné des points COVID de la presse hystérique, nous avons encore été matraqués : par un flot continu d’informations anxiogènes et un empilement ahurissant de mesures absurdes, illégitimes, inhumaines et finalement inefficaces :
– l’interdiction d’être auprès d’un proche en fin de vie ou d’aller à son enterrement,
– la suspension des personnels soignants,
– le « pass sanitaire » ou autrement dit, l’obligation vaccinale,
– les obligations de mettre un masque au restaurant quand on est debout, mais pas quand on est assis,
– les couvre-feux…
Vous qui voyez les symboles, vous avez mis en place le 1er couvre-feu COVID le 17 octobre 2020.
17 octobre.
Jour de commémoration du massacre par la police française des algériens qui manifestaient pacifiquement à Paris contre un couvre-feu destiné aux seuls algériens.
Nous n’osons imaginer qu’il ne s’agit pas d’une effroyable coïncidence.
Terreur, isolement, déshumanisation, infantilisation, culpabilisation, division, surveillance, sanctions, stigmatisation, insultes.
Telles ont été vos armes.
Et le bilan est lourd.
Traumatisme, détresse psychologique, troubles anxio-dépressifs, forte hausse du nombre de gestes suicidaires chez les jeunes.
Grave augmentation de la pauvreté. Des familles, des personnes seules qui étaient sur le fil ont plongé. Quatre millions de personnes en situation de précarité en plus dans notre pays.
Une catastrophe économique sans précédent. Le PIB a diminué de 8,3 % en 2020.
Une chute inédite du nombre d’offres d’emploi, 360 000 emplois supprimés rien qu’en 2020 (INSEE).
Des petites entreprises particulièrement éprouvées, certaines ayant purement et simplement disparues, rattrapées par les « reports de charges ».
Alors que, dans le même temps, la fortune des Français les plus riches a augmenté de façon fulgurante pendant la crise COVID (Oxfam).
Voilà le bilan de « votre » guerre : des sacrifices et des larmes pour le peuple, la fortune pour votre caste.
Cette guerre a duré deux ans, puis a disparu comme elle est venue.
Car elle a été remplacée par un nouvel événement source d’effroi, un nouveau choc :
l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie le 24 janvier 2022.
C’est dans ce contexte, associé à l’élection de Donald Trump aux États-Unis, que vous avez tenu, le 5 mars dernier, des propos effrayants sur les menaces russes, les menaces américaines et les menaces terroristes.
Toutes ces menaces, qui nous encerclent, nous Européens, vous amènent à la conclusion suivante :
« le moment exige des décisions sans précédent depuis bien des décennies sur notre agriculture, notre recherche, notre industrie et toutes nos politiques publiques. Nous ne pouvons pas avoir les mêmes débats que naguère.
C’est pourquoi j’ai demandé au Premier Ministre, à son gouvernement et j’invite toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à leur côté, à faire des propositions à l’aune de ce nouveau contexte.
Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d’hier (…) face à ces défis et ces changements irréversibles. »
Vous demandez donc – encore – une mobilisation générale pour l’effort de guerre, autrement dit des sacrifices et des reculs sociaux pour le peuple.
Un sinistre storytelling immédiatement repris par la Presse dominante, propriété des oligarques.
Vous rêvez sans doute que la France s’aligne sur le Danemark qui veut porter la retraite à 70 ans pour « financer l’effort de guerre ».
Nous ne sommes pas dupes, vous savez.
Votre stratégie du choc consiste à faire peur et à utiliser les crises pour détruire le modèle social français.
Mais cela ne fait qu’affaiblir et fracturer notre pays, en créant plus de misère et de colère.
Nous pensons au contraire que la capacité d’une Nation à résister aux crises, quelles qu’elles soient, réside dans sa cohésion, sa souveraineté, la force de ses services publics et de son modèle social protecteur et solidaire.
Nous nous rappelons les Jours Heureux – le programme politique de 1944 – qui a fait le choix éclairé, dans un pays en ruine et toujours occupé, de remettre l’humanisme au centre des décisions en imaginant, après la Libération, la Sécurité Sociale, la retraite par répartition, les nationalisations, la liberté de la Presse.
Vous êtes, Monsieur Macron, à l’opposé des Jours Heureux. Vous êtes la promesse de catastrophes et d’afflictions.
Vous et vos prédécesseurs n’ont eu de cesse de détruire méthodiquement ces héritages du passé.
Votre idéologie ultra libérale pressure tout ce qui est vivant et beau aux impératifs de votre seule boussole : l’enrichissement de votre caste.
Et rien ne doit l’entraver.
C’est pourquoi vous démolissez le code du travail, vous privatisez les services publics, vous supprimez les boucliers sociaux, vous méprisez la démocratie, vous abandonnez les agriculteurs et notre environnement aux prédateurs.
Et pour que le peuple détourne le regard des vrais responsables de leur sort, vous montez les populations les unes contre les autres et mettez toujours plus de police et de surveillance.
Ces politiques, ces stratégies sont celles de l’extrême droite, Monsieur Macron. Et d’ailleurs, aujourd’hui, comme au début des années 30, seuls les riches investisseurs en font la promotion et en bénéficient.
Alors, qui peut croire que vous agissez aujourd’hui dans l’intérêt de la population ?
Vous et ceux de votre espèce, êtes mortifères pour le pays. Et pour tout ce qui est vivant et beau dans ce monde.
« Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter ».
Cette citation, qu’elle soit de Primo Levi, Winston Churchill, Karl Marx ou George Santayana est sage.
Forts des enseignements du passé, nous ne sombrerons pas avec vous dans l’obscurantisme.
Donc nos propositions, les voici.
Ce que nous demandons, Monsieur le Président de la République, c’est d’avoir des représentants du peuple qui ne sont pas en guerre contre les peuples.
Ce que nous voulons, c’est une vie digne, paisible, libre et éclairée pour tous, dans l’esprit de fraternité et de respect qui nous porte et nous anime.
Nous demandons que ces valeurs humanistes soient la seule boussole des décisions politiques.
Autrement dit, ce que nous exigeons, Monsieur le Président de la République, c’est votre démission immédiate et la réforme de nos institutions.
On ne lâchera RIEN.